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      L’obligation de réserve des agents territoriaux en 10 questions

 

D’origine jurisprudentielle, l’obligation de réserve constitue l’une des obligations déontologiques qui s’imposent aux agents territoriaux.

 

   Quel est le fondement juridique de l’obligation de réserve ?

 

L’obligation de réserve ne figure pas expressément dans le statut général des fonctionnaires. Elle est imposée par le juge administratif qui entend garantir ainsi la neutralité du service public et l’impartialité de traitement des usagers par les agents publics. En 1983, lors des débats parlementaires sur le statut général des fonctionnaires, un amendement avait été déposé pour y inscrire l’obligation de réserve. Anicet Le Pors, alors ministre en charge de la Fonction publique, a fait rejeter cet amendement, estimant préférable de laisser le soin au juge administratif d’apprécier au cas par cas les limites au droit d’expression imposées aux fonctionnaires par l’obligation de réserve.

 

  Que signifie cette obligation ?

 

 Venant contrebalancer leur liberté d’expression, le devoir de réserve impose aux fonctionnaires, même en dehors de leur service, de s’exprimer avec une certaine retenue. Afin de respecter le principe de subordination hiérarchique et de neutralité du service public, ils doivent éviter, de manière générale, toute manifestation d’opinion de nature à porter atteinte à l’autorité de la fonction. Le devoir de réserve interdit par exemple de tenir, publiquement, des propos outranciers visant les supérieurs hiérarchiques ou plus largement dévalorisant l’administration. Le respect de cette obligation s’apprécie au regard de la nature des fonctions et des circonstances, ainsi que du contexte dans lequel l’agent s’est exprimé, notamment de la publicité des propos.

 

 Quels faits peuvent constituer une atteinte à l’obligation de réserve ?

 

 La jurisprudence en offre des exemples variés. Ainsi, porte atteinte à l’obligation de réserve, le directeur d’un théâtre municipal qui profère publiquement de graves accusations de malveillance et d’incompétence à l’encontre du maire et de son adjoint chargé des affaires culturelles, ou encore le directeur d’un conservatoire de musique qui se félicite du départ de l’adjoint au maire chargé de la culture. De même, constituent un manquement à l’obligation de réserve : des propos diffamatoires contre certains fonctionnaires ; de violentes attaques de la part d’un secrétaire de mairie contre son maire, publiées dans la presse locale.

 

 Quelles en sont les limites ?

 

En revanche, ne porte pas atteinte à l’obligation de réserve, le fait pour un fonctionnaire de police de n’avoir pu empêcher des gestes et des cris hostiles au gouvernement, lors d’une manifestation autorisée.

 

 

 Que se passe-t-il en cas de non-respect de cette obligation ?

 

 Le non-respect de cette obligation de réserve est susceptible de constituer une faute disciplinaire. Il appartient à l’autorité hiérarchique, dont dépend l’agent, d’apprécier si un manquement a été commis et, le cas échéant, d’engager une procédure disciplinaire. Celle-ci doit tenir compte, entre autres, de la publicité des propos, du niveau de responsabilité de l’agent concerné, ou encore d’autres circonstances.

 

 Des propos non publics sont-ils sanctionnables ?

 

 La publicité des propos est l’un des critères permettant d’apprécier si le comportement d’un agent public est susceptible de porter atteinte à son obligation de réserve. Lorsque ces propos n’ont pas été tenus publiquement, mais à l’occasion d’un recours devant le juge administratif, l’agent ne peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire pour manquement à cette obligation. De même, ne manque pas à son obligation de réserve l’agent qui exprime des « critiques d’ordre général » publiées en dehors de son service, sous un pseudonyme sur le site d’une association. De tels agissements ne constituent pas, selon le juge, un acte de défiance vis-à-vis de la commune qui l’employait. Il se rattache au contraire à la liberté d’opinion garantie aux fonctionnaires par l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. En outre, le juge a souligné qu’en manifestant son opinion sur des questions à caractère historique ou politique, l’intéressé n’a pas transgressé les limites compatibles avec sa qualité d’agent public alors qu’aucune faute ne lui est reprochée en ce qui concerne sa manière de servir dans l’exercice de ses fonctions. En outre, l’attention des agents doit être attirée sur le caractère public des propos tenus sur internet, et plus précisément sur les blogs, et sur les risques de porter ainsi atteinte à leur obligation de réserve (lire la question n° 9). En effet, la publicité des propos tenus sur un blog ne fait aucun doute. Un blog est « accessible à tous les internautes désireux de le visiter ou au hasard d’une recherche, quel que fût le centre d’intérêt qui les y conduisait ». Tout dépendra alors du contenu du blog : Dans ses écrits, le fonctionnaire auteur doit observer, en effet, un comportement empreint de dignité, ce qui, a priori, n’est pas incompatible avec le respect de sa liberté d’expression. Ainsi, les agents publics qui participent à des blogs dans le cadre de leur vie privée doivent s’abstenir de tout propos susceptible de mettre en cause de manière directe le fonctionnement de leur administration ou de l’administration en général.

 

L’obligation de réserve est-elle la même pour tous les agents ?

 

Cette obligation concerne tous les fonctionnaires, y compris ceux qui sont investis d’un mandat syndical (lire la question n° 8). Toutefois, elle est plus ou moins étendue, selon le rang de l’agent dans la hiérarchie administrative et selon l’administration à laquelle il appartient.

 

 Comment s’applique-t-elle aux représentants syndicaux ?

 

Les responsables syndicaux sont soumis aux mêmes obligations que tout agent public, y compris à l’obligation de réserve. Toutefois, elle s’impose à eux de manière plus souple et ils disposent ainsi d’une plus grande liberté d’expression dans l’exercice de leur mandat ou de leurs fonctions. Par exemple, la déclaration d’un sapeur-pompier, responsable syndical, à un journaliste, exposant des revendications professionnelles ne constitue pas un manquement, en dépit de la vivacité de son ton. En revanche, même en période de conflit social, des propos injurieux diffusés par un responsable syndical sur le site du syndicat, à l’encontre d’un directeur régional de La Poste, ont été jugés comme excédant la mesure admissible (ces propos étaient notamment : « pauvre vieux », « givré », « plus barge que ça, tu meurs », « dingue doublé d’un sadique »). Enfin, on notera que l’assouplissement de l’obligation de réserve à l’égard des représentants syndicaux ne concerne pas les simples membres d’une organisation syndicale. Ainsi, le fait pour un fonctionnaire de signer une pétition syndicale contre les heures d’ouverture d’un bureau au public constitue un manquement au devoir de réserve, justifiant une baisse de sa notation.

 

Qu’en est-il de l’usage de la messagerie électronique ?

 

L’obligation de réserve s’impose aux agents publics, y compris dans leur vie privée, en particulier lorsqu’ils « surfent » sur internet ou utilisent la messagerie électronique. Ainsi, manque à son obligation de réserve et de neutralité, le fonctionnaire qui mentionne son adresse électronique professionnelle sur le site internet d’une association à vocation religieuse. De même, le fait pour un agent d’adresser des critiques violentes à ses chefs de service, qu’il a largement diffusées par courrier électronique à l’ensemble des personnels des services concernés, caractérise des difficultés relationnelles professionnelles importantes.

 

Peut-elle être opposée aux candidats à un emploi public ?

 

 Lorsque l’autorité compétente arrête la liste des candidats admis à concourir, elle peut apprécier, dans l’intérêt du service, si les candidats présentent les garanties requises pour l’exercice des fonctions auxquelles donne accès le concours. Elle peut ainsi « tenir compte de faits et manifestations contraires à la réserve que doivent observer ces candidats ». Par exemple, la participation, pendant le service national, à la rédaction et à la diffusion dans une enceinte militaire d’un journal constitue un manquement justifiant le refus d’autoriser l’intéressé à se présenter au concours d’entrée à l’Ecole nationale de la magistrature. A l’inverse, la participation à des manifestations d’étudiants, véhémentes mais sans violence, ne constitue pas un manquement à la réserve justifiant le refus d’autoriser un candidat à se présenter à un concours.

 

 

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